DOE : c’est quoi ce document et comment le remplit-on après des travaux d’extension de bâtiment ?
Lorsqu'un chantier de construction ou d'extension touche à sa fin, un document essentiel doit être transmis au maître d'ouvrage : le Dossier des Ouvrages Exécutés, plus communément appelé DOE. Ce recueil technique constitue la mémoire du bâtiment et accompagne sa vie entière, de la réception des travaux jusqu'aux interventions futures. Comprendre son rôle, son contenu et savoir comment le constituer correctement après une extension de bâtiment représente un enjeu majeur pour tous les acteurs du BTP.
Qu'est-ce que le Dossier des Ouvrages Exécutés (DOE) ?
Définition et objectifs du DOE dans un projet de construction
Le Dossier des Ouvrages Exécutés est un document contractuel qui rassemble l'ensemble des informations techniques relatives aux travaux réalisés sur un chantier. Remis au maître d'ouvrage à la fin des travaux, ce dossier compile tous les éléments nécessaires pour comprendre l'ouvrage dans son intégralité, depuis sa conception jusqu'à son exploitation quotidienne. Il s'agit d'un document de référence qui permet de disposer d'une vision complète et précise de ce qui a été construit, avec quels matériaux, selon quelles techniques et avec quelles prescriptions d'entretien.
L'objectif principal du DOE est de garantir la pérennité, la sécurité et le bon fonctionnement du bâtiment sur le long terme. En centralisant toutes les données techniques du chantier, il facilite grandement la maintenance préventive et les réparations en offrant aux gestionnaires du bâtiment un accès direct aux informations essentielles. Ce dossier constitue également une preuve documentaire précieuse en cas de litige ou de réclamation auprès des assurances construction, notamment dans le cadre de la garantie décennale ou de la garantie de parfait achèvement qui court sur un an.
Au-delà de sa fonction documentaire, le DOE joue un rôle stratégique dans la transmission d'informations entre les différents propriétaires successifs du bâtiment. Il permet à chaque nouveau maître d'ouvrage de disposer immédiatement d'une compréhension technique complète de l'ouvrage, ce qui s'avère particulièrement utile lors de projets de rénovation, d'extension ou de modifications futures. Le dossier sert ainsi de base pour toute consultation ou appel d'offres ultérieur concernant le bâtiment.
Les différences entre DOE en marché public et marché privé
Le statut et le contenu du DOE varient sensiblement selon qu'il s'agit d'un marché public ou d'un marché privé. Dans le cadre des marchés publics, le DOE revêt un caractère obligatoire imposé par l'article 40 du CCAG Travaux du Code des Marchés Publics. Cette obligation légale fixe également précisément le contenu minimum du dossier et les délais de remise, ne laissant aucune marge d'interprétation aux entreprises intervenant sur le chantier. Cette rigueur vise à garantir une traçabilité totale des deniers publics investis et à assurer la bonne gestion patrimoniale des ouvrages publics.
Dans les marchés privés en revanche, le DOE n'est pas systématiquement obligatoire. Son existence et son contenu dépendent des clauses prévues au contrat entre le maître d'ouvrage et l'entreprise de construction. La norme NF P 03-001 fournit toutefois un cadre de référence pour les marchés privés, en précisant les éléments qui devraient idéalement composer le dossier. Dans cette configuration, les modalités de constitution du DOE sont généralement fixées dans le CCAP, le Cahier des Clauses Administratives Particulières qui définit les spécificités du projet.
Malgré son caractère parfois facultatif dans le privé, le DOE reste fortement recommandé car il constitue une protection tant pour le maître d'ouvrage que pour l'entreprise. Il établit une traçabilité claire des travaux réalisés et peut s'avérer déterminant en cas de sinistre ou de désaccord. Qu'il s'agisse d'un marché public ou privé, la responsabilité globale du DOE incombe au maître d'œuvre, même si c'est l'entreprise ou le mandataire en charge des travaux qui le rédige concrètement.
Les composants indispensables d'un DOE complet
Plans conformes, notices techniques et fiches de prescriptions
Le cœur du DOE repose sur trois piliers documentaires essentiels. Premièrement, les plans d'exécution conformes à l'ouvrage tel qu'il a été réellement réalisé constituent l'épine dorsale du dossier. Ces plans, également appelés plans de recollement lorsqu'ils concernent les réseaux enterrés, doivent refléter fidèlement la construction finale, incluant toutes les modifications apportées en cours de chantier par rapport aux plans initiaux. Ils représentent la cartographie exacte du bâtiment et permettent à tout intervenant futur de comprendre immédiatement l'organisation spatiale et technique de l'ouvrage.
Deuxièmement, les notices de fonctionnement des équipements techniques installés apportent les connaissances nécessaires pour utiliser correctement les installations. Ces notices détaillent le mode d'emploi de chaque équipement, qu'il s'agisse de systèmes de chauffage, de ventilation, d'installations électriques ou de tout autre dispositif technique intégré au bâtiment. Elles garantissent une exploitation optimale des installations et préviennent les erreurs de manipulation qui pourraient entraîner des dysfonctionnements ou des accidents.
Troisièmement, les fiches de prescriptions de maintenance définissent les opérations d'entretien à réaliser pour préserver le bâtiment dans le temps. Ces prescriptions précisent la fréquence des interventions, les types de contrôles à effectuer et les précautions particulières à respecter. Elles s'inscrivent dans une logique de maintenance préventive qui permet d'anticiper les problèmes plutôt que de les subir, prolongeant ainsi significativement la durée de vie de l'ouvrage et de ses équipements.
Les coordonnées des intervenants et les cahiers des clauses d'exécution
Au-delà des documents purement techniques, le DOE doit également intégrer des informations administratives et contractuelles indispensables. Les coordonnées complètes de tous les intervenants ayant participé au chantier figurent ainsi dans le dossier. Cette liste détaillée inclut les entreprises générales, les sous-traitants, les artisans de tous corps de métier tels que couvreurs, charpentiers, carreleurs, peintres, menuisiers, maçons, plombiers, chauffagistes, électriciens, plaquistes, paysagistes ou terrassiers. Disposer de ces contacts facilite grandement toute intervention ultérieure en permettant de solliciter directement les entreprises qui connaissent parfaitement les travaux qu'elles ont réalisés.
Les cahiers des clauses d'exécution, notamment le CCAG applicable au projet, constituent également un élément fondamental du DOE. Ces documents contractuels définissent le cadre réglementaire et normatif dans lequel les travaux ont été réalisés. Ils précisent les obligations de chaque partie, les modalités d'exécution des ouvrages et les critères de réception. Leur présence dans le DOE permet de vérifier à tout moment que les travaux ont bien été effectués conformément aux exigences contractuelles initiales.
Le dossier peut être enrichi par de nombreux autres éléments selon la complexité et la nature du projet. Les fiches techniques détaillées des matériaux de construction utilisés, les avis techniques des produits innovants employés, les rapports de contrôle qualité effectués durant le chantier, les certificats de conformité des installations ou encore les procès-verbaux de réception peuvent tous trouver leur place dans un DOE exhaustif. Cette documentation complète transforme le DOE en une véritable encyclopédie du bâtiment, consultable à tout moment pour répondre aux questions techniques qui peuvent se poser durant l'exploitation de l'ouvrage.
Comment remplir correctement un DOE après une extension de bâtiment ?

Les étapes de constitution du dossier à la réception des travaux
La constitution du DOE s'inscrit dans un calendrier précis qu'il est impératif de respecter, particulièrement dans le cadre des marchés publics. Le processus de compilation doit idéalement débuter dès le lancement du chantier, avec une organisation et une planification rigoureuses des documents. Chaque entreprise intervenant sur le projet doit être informée dès le départ de son obligation de fournir l'ensemble des éléments relatifs à ses travaux. Cette anticipation évite les situations de dernière minute où des documents manquants retardent la réception définitive du chantier.
L'entreprise qui a réalisé les travaux d'extension doit remettre au maître d'œuvre les spécifications de pose, les notices de fonctionnement et tous les documents techniques essentiels au plus tard lors de la demande de réception des travaux. Cette première livraison constitue la base du DOE et permet au maître d'œuvre de vérifier la conformité des installations avant de procéder à la réception. Une fois la décision de réception des travaux notifiée, l'entreprise dispose ensuite d'un délai maximum d'un mois pour compléter le dossier avec l'ensemble des autres éléments requis, notamment les plans définitifs conformes à l'exécution et les documents complémentaires spécifiés au contrat.
Le maître d'œuvre joue un rôle central dans ce processus puisqu'il assure la coordination et la vérification du DOE avant sa transmission finale au maître d'ouvrage. Il doit s'assurer que toutes les pièces requises sont présentes, que leur contenu est complet et précis, et que l'ensemble forme un dossier cohérent et exploitable. Cette mission de contrôle qualité du DOE fait partie intégrante des responsabilités du maître d'œuvre et conditionne la bonne réception définitive du chantier.
Les bonnes pratiques pour garantir la précision et l'exhaustivité du document
La qualité d'un DOE repose avant tout sur la rigueur de sa constitution. Chaque document intégré doit être vérifié, validé et contrôlé par les parties prenantes concernées avant d'être définitivement inclus dans le dossier. Les plans notamment doivent absolument refléter la réalité de l'ouvrage construit, en intégrant toutes les modifications de dernière minute décidées sur le chantier. Un plan inexact ou obsolète peut avoir des conséquences graves lors d'interventions futures, notamment lors de percements de murs ou de tranchées qui pourraient endommager des réseaux non localisés correctement.
La précision des informations est également cruciale concernant les matériaux et équipements installés. Chaque fiche technique doit correspondre exactement au produit effectivement posé, avec ses références complètes permettant de commander des pièces de rechange compatibles des années plus tard. Les notices d'entretien doivent être rédigées de manière claire et accessible, en évitant le jargon technique excessif qui pourrait rendre leur compréhension difficile pour les gestionnaires du bâtiment qui ne sont pas nécessairement des spécialistes.
Le choix du format de présentation du DOE mérite également une attention particulière. Bien que le format papier traditionnel reste autorisé, la version numérique présente de nombreux avantages en termes de gestion documentaire. Un DOE numérique peut être facilement partagé entre les différents intervenants via une plateforme de gestion électronique des documents ou GED. Il facilite les recherches d'informations grâce à des fonctions d'indexation et de recherche par mots-clés. Il permet également des mises à jour plus simples lorsque des modifications sont apportées au bâtiment. Enfin, sa duplication et sa sauvegarde sont aisées, ce qui protège contre les pertes accidentelles. Cette approche numérique s'inscrit parfaitement dans une démarche de développement durable en limitant l'usage du papier.
L'importance du DOE pour la gestion et la maintenance du bâtiment
Le DOE comme document de référence pour les interventions futures
Une fois le bâtiment livré et occupé, le DOE devient l'outil de travail quotidien de tous ceux qui interviennent sur l'ouvrage. Les équipes de maintenance s'appuient constamment sur ce dossier pour planifier leurs interventions préventives et pour diagnostiquer rapidement les pannes. Disposer d'un accès immédiat aux caractéristiques techniques de chaque installation permet de gagner un temps précieux lors des interventions et d'éviter les erreurs qui pourraient aggraver les problèmes. Le DOE devient ainsi le gardien de la mémoire technique du bâtiment, préservant des informations qui autrement se perdraient au fil du temps et des changements de personnel.
Le dossier s'avère également indispensable lors de projets de rénovation ou d'extension ultérieurs. Les architectes et bureaux d'études chargés de concevoir ces nouveaux travaux peuvent s'appuyer sur le DOE existant pour comprendre précisément la structure du bâtiment, identifier les contraintes techniques et concevoir des solutions parfaitement adaptées. Cette continuité documentaire évite les mauvaises surprises en cours de chantier et optimise la conception des projets de transformation. De même, le DOE facilite grandement les démarches administratives liées au bâtiment, qu'il s'agisse d'obtenir des autorisations pour des modifications ou de répondre aux exigences réglementaires en matière de sécurité.
Il convient de distinguer le DOE du DIUO, le Dossier d'Intervention Ultérieure sur l'Ouvrage, qui bien que complémentaire répond à des objectifs différents. Le DIUO est spécifiquement axé sur la prévention des risques professionnels lors des interventions futures sur l'ouvrage. Il identifie les dangers potentiels et précise les mesures de sécurité à respecter. Le DOE quant à lui se concentre davantage sur les aspects techniques de construction et de fonctionnement. Dans la pratique, ces deux documents fonctionnent en synergie pour garantir à la fois la sécurité des intervenants et la qualité technique des interventions sur le bâtiment.
Son rôle dans les consultations et appels d'offres ultérieurs
Lorsqu'un maître d'ouvrage souhaite lancer de nouveaux travaux sur un bâtiment existant, le DOE constitue la base documentaire indispensable pour élaborer un cahier des charges précis et réaliste. Les entreprises consultées peuvent s'appuyer sur les informations techniques du dossier pour évaluer correctement l'ampleur des travaux, identifier les contraintes spécifiques et proposer des offres détaillées et chiffrées de manière fiable. Cette transparence de l'information technique réduit considérablement les risques de litiges ultérieurs liés à des découvertes imprévues en cours de chantier.
Le DOE joue également un rôle déterminant dans les relations avec les assureurs et les experts en cas de sinistre. Disposer d'une documentation technique complète et précise permet d'établir rapidement les responsabilités, d'évaluer l'étendue des dommages et de déterminer les modalités de réparation les plus appropriées. Dans le cadre de la garantie de bon fonctionnement qui court sur deux ans ou de la garantie décennale qui protège pendant dix ans, le DOE sert de référence incontestable pour vérifier si les désordres constatés relèvent d'un vice de construction ou d'un défaut d'entretien.
Pour les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux et les promoteurs immobiliers qui gèrent un patrimoine immobilier important, la constitution systématique de DOE complets pour chaque ouvrage représente un investissement stratégique. Ces dossiers facilitent la gestion patrimoniale en centralisant toutes les informations nécessaires à la maintenance et à l'exploitation optimales des bâtiments. Ils permettent également d'optimiser les coûts de gestion en évitant les interventions inutiles ou mal ciblées et en prolongeant la durée de vie des équipements grâce à un entretien approprié. À l'ère de la transition numérique du secteur du BTP, des logiciels de gestion spécialisés et des plateformes collaboratives permettent désormais de gérer efficacement ces DOE de manière centralisée, offrant un accès instantané aux informations techniques depuis n'importe quel lieu, facilitant ainsi le suivi de chantier et la coordination entre tous les acteurs du projet.





